Chronique
Wilfried N'Sondé le 16 juin 2007
Malgré la connotation toujours un brin pompeuse que revêt l’annonce d’une lecture littéraire, la librairie Zadig avait l’insigne honneur d’accueillir ce jour-là un combo de Rock berlinois reformé ou presque : Wilfried et Wallace N’Sondé, fins lettrés franco-congolais ayant porté l’étendard vrai de l’afro-punk à Berlin dans la décennie 1990.
Verbe traînant et esprit vif, Wilfried N’Sondé, auteur d’un premier roman plus que remarqué en ce début d’année 2007 chez Actes Sud, donnait pour ainsi dire la réplique à son lecteur attitré de frère, ancien membre comme lui du power-trio de leur jeunesse les Wild Kongos. Souvenirs partagés de tournées dans Berlin et ses alentours au milieu des années quatre-vingt dix, quand la Radeberger et la musique oï coulaient à flot dans les lieux les plus improbables...
Wallace N’Sondé imprimait son charisme puissant et professoral (il est enseignant d’Histoire en Alsace) à un texte fort, sorte de flow écrit, très écrit, ne s’apparentant à pas grand-chose de déjà lu ou entendu.
Le Lecteur pontifiant sur l’auteur en le comparant à Céline, l’Auteur illuminant sa prose de considérations sur l’Amour universel qui n’ont fait rire personne. Mais oui Messieurs Mesdames, la littérature-monde a oublié de ressembler à Bob Marley.
Trois passages ont été lus d’une intrigue que Wilfried N’Sondé, curieusement, refusait de dévoiler à l’assemblée. Intrigue dont une des clés est qu’on peut aussi commettre un acte irréversible quand on vient d’une banlieue de France, bêtement par chagrin d’amour, et voir sa vie basculer. Comme dans un roman populaire ou une Chanson de Geste.
Mais plus qu’une romance, « Le cœur des enfants léopards » est un chant bantou à l’Ancêtre, une mélopée de l’amour éternel. Et plus encore et mieux qu’un roman catégorisé « afro-caraïbe » ou
« banlieue ». Ses protagonistes ne sont pas des avatars X ou Y de jeux Internet ou séries télé : ils veulent vivre juste une fois, se dépasser, ne plus baisser la tête. Comme partout, au cœur de nos cités, à Berlin ou ailleurs. Mais oui la littérature-monde, sensuelle et urbaine, a de beaux jours devant elle !
Le thème fut discuté, dans le débat qui suivit, du garçon immigré moins fréquentable que sa sœur « beurette » ou « fashion black beauty »... « Que voulez-vous », nous rappellent les frères N’Sondé, venus du Mée-sur-Seine à la Chute du Mur,
« (...) nos sœurs ont toujours mieux réussi que nous. (...) Nous, nous avons simplement fait du Rock’N’Roll... ». Wilfried, l’Auteur, père de famille de deux enfants germano-congolais, clôturant les questions en déclarant qu’il n’avait pas besoin d’avoir lu Frantz Fanon.
Merci pour la divine leçon de lettres.
EN VITRINE
"La fête des mères" de Richard Morgiève
Une famille de la haute bourgeoisie versaillaise dans les années soixante : la vipère parfumée à L’Heure Bleue, c’est la mère. Le père banquier est absent, les quatre frères se détestent. Ou bien ils s’aiment un peu, beaucoup. Ils ont faim car la mère ne veut pas qu’ils mangent. Ils ne sentent pas bon car elle leur interdit l’eau chaude, et puis à peu près tout, sauf la confession. Jacques se rebelle. Il refuse de faire sa communion solennelle et tombe gravement malade. Il veut vivre. Ce n’est pas si facile. Il faut se battre contre la maladie, contre le sort. Il faut garder l’espoir, attendre l’amour qui guérit tout. Pour accomplir ce miracle, Jacques a deux talismans : un trèfle à cinq feuilles et une graine de haricot. Quarante ans plus tard, il raconte son histoire. (Joëlle Losfeld éditions, 2023)
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